article [Khronos et Chôra Le temps et l’espace Chôra et Khronos], in Géographies Variables, Lorient (France), 2012


« Tout est distance, et nulle part ne se ferme le cercle. »
Rainer-Maria Rilke, Sonnets à Orphée II - 20

Un panorama déployé nous renvoie inévitablement à une ligne d’horizon, aussi abstraite soit-elle. Pourtant, le concept même regorge d’ambiguïtés. Alors que le regard se heurte à cette ligne d’arrêt dans l’espace, la pensée, elle, imagine déjà la spatialité virtuelle d’un au-delà, d’un hors-champ perpétuel. Lorsque Cécile Martin compose ses panoramas, elle met en œuvre toutes ses connaissances structurales pour constituer des images détaillées où foisonnent des données qui nous sont offertes dans leur intégralité. Ses panoramas sont conçus dans un souci de complétude et, d’ailleurs, Martin insiste sur le fait qu’on y retrouve chacun des degrés du cercle jusqu’à l’ultime, le 360e. En d’autres termes, nous avons là une demi-sphère délovée de son axe, un dôme aplani en un long rectangle définissant une fenêtre sur un territoire méticuleusement reconstitué. Nous sommes loin de la fenêtre albertienne de la Renaissance où le point de fuite interpelle et fascine l’observateur. Celle-ci s’ouvre davantage sur un univers systématiquement cartographié où le lieu est à la fois offert et dérobé au regardeur. Le concept de Géographies Variables dont il est question dans le titre du projet d’échanges, de commande d’œuvres d’art web (initié par la commissaire Julie Morel) implique nécessairement un manque de stabilité, un manque de fixité. Sa variabilité émerge de la nature mobile des géographies possibles. Avec l’œuvre Panoramiques (2010), Martin nous renvoie à deux lieux (Montréal et Lorient), deux pays (le Canada et la France) et deux continents (l’Amérique du Nord et l’Europe). Elle nous dévoile des sites très connotés (le Mont-Royal, le Pont Jacques-Cartier, la base sous-marine de Kéroman et l'Enclos du Port), tout en les occultant. Il y a pourtant un autre lieu où vont se rejoindre les autres, cet intermédiaire qu’est Internet, virtuel celui-là, qui va servir de point de convergence. Dans cet espace virtuel, une démarche chorographique méticuleuse peut s’avérer contradictoire. La cartographie mesure l’espace selon plusieurs codes alors que la mise en ligne d’une œuvre visuelle tend généralement à les réduire en même temps que la résolution de l’image.

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Francine Dagenais